Laurent tourelle
Quand deux ne suffisent tout simplement pas.
Si vous trouvez déjà difficile d’évoluer dans le monde des relations humaines, plongez dans la vie sexuelle des moineaux à gorge blanche (Zonotrichia albicollis). Pour ces oiseaux, chaque individu ne peut se reproduire qu’avec un quart de l’ensemble de l’espèce. Pourquoi ? Parce qu’ils ont développé deux sexes supplémentaires en plus des deux déjà existants.
Cette particularité génétique surprenante a été mise au jour par Elaina Tuttle et Rusty Gonser, biologistes basés au Canada, le pays d’origine du bruant à gorge blanche. Leur découverte a révélé une mutation génétique chez cette espèce, provoquant une inversion majeure d’une partie importante du chromosome de l’oiseau. Cette inversion a créé quatre génotypes distincts qui ne peuvent se reproduire qu’avec des partenaires spécifiques.
« Ce moineau agit comme s’il possédait quatre sexes », explique Christopher Balakrishnan, biologiste de l’évolution à l’Université East Carolina à Greenville, en Caroline du Nord, un collègue de Tuttle et Gonser. « Un individu ne peut s’accoupler qu’avec un quart de la population. Il existe très peu de systèmes sexuels comportant plus de deux sexes. »
Bien que nous définissions généralement les espèces comme des animaux capables de se reproduire avec succès pour engendrer une progéniture viable, le moineau à gorge blanche a évolué de manière à rendre cette tâche un peu plus complexe. Les deux chromosomes de cette espèce ont évolué en sous-types distincts, dictant les combinaisons spécifiques d’oiseaux capables de se reproduire entre eux.
Les moineaux à gorge blanche sont relativement répandus en Amérique du Nord.
Se déclinant en deux formes distinctes : ceux avec des rayures blanches sur la tête et d’autres avec des rayures beiges. Les rayures blanches, bien qu’excellentes chanteuses, se montrent agressives et présentent peu de comportements de soins parentaux. D’un autre côté, les rayures beiges sont monogames et de bons parents, mais médiocres en chant.
Malgré ces différences, les rayures blanches ne forment des couples qu’avec les rayures beiges et vice versa. Cela semble confirmer l’adage selon lequel les opposés s’attirent.
Cette division étrange au sein de l’espèce trouve son explication dans le fait que les rayures beiges ont deux copies identiques d’un chromosome, tandis que les rayures blanches présentent plusieurs inversions où des sections du génome ont été coupées et inversées.
Elaina Tuttle et Rusty Gonser ont approfondi l’étude de ces inversions, révélant qu’elles mélangent efficacement les gènes pour créer les deux formes.
Les inversions ne sont pas spécifiques aux moineaux à gorge blanche ; elles sont bien connues pour avoir donné naissance aux chromosomes XX et XY chez les mammifères (qui déterminent le sexe des mammifères) ainsi qu’au système de détermination du sexe ZW qui définit le sexe des oiseaux. Cependant, le moineau à gorge blanche est exceptionnel d’avoir évolué avec deux chromosomes supplémentaires, créant effectivement quatre sexes.
« Qui sait », suggère Gonser, « Il pourrait y avoir de nombreuses autres espèces dotées de chromosomes sexuels inhabituels, et nous n’avons peut-être tout simplement pas pris la peine de les examiner. »
