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Les humains modernes et les Néandertaliens ont eu des enfants pendant 7 000 ans et l’héritage vit dans nos gènes

Illustration de Midjourney.©  ZME Science

L’histoire de la rencontre entre Homo sapiens et Néandertal

Il y a environ 50 000 ans, deux espèces humaines se sont rencontrées sous les calottes glaciaires d’Eurasie. Homo sapiens, récemment sorti d’Afrique, a croisé Homo neanderthalensis, qui vivait déjà sur le continent eurasiatique depuis plusieurs centaines de milliers d’années. Au contact de ces deux groupes, un événement marquant s’est produit : ils ont eu des enfants. Ce mélange génétique a duré près de 7 000 ans et a laissé une empreinte durable dans notre ADN.

Les découvertes récentes sur le croisement génétique

Des recherches récentes, issues de deux études indépendantes, ont permis de déterminer plus précisément à quel moment ces deux espèces humaines se sont croisées. Les résultats suggèrent que ce croisement génétique a commencé il y a environ 50 500 ans et a perduré jusqu’à environ 43 500 ans, juste avant l’extinction des Néandertaliens. Aujourd’hui encore, ces échanges génétiques sont visibles dans notre ADN. En effet, entre 1 % et 2 % du génome des non-Africains provient directement des Néandertaliens.

Le lien entre le croisement et notre ADN

L’héritage néandertalien dans notre génome est plus complexe qu’on ne le pensait initialement. Non seulement nous partageons des gènes avec les Néandertaliens, mais certaines variantes génétiques ont perduré alors que d’autres ont disparu au fil du temps. La compréhension de la manière dont ces gènes se sont propagés et ont survécu nous aide à mieux appréhender l’histoire de notre évolution.

Où et quand Homo sapiens et Néandertal se sont croisés

Une étude publiée dans la revue Science par des chercheurs de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste (MPI-EVA) et de l’Université de Californie à Berkeley a révélé de nouveaux détails sur le croisement génétique entre Homo sapiens et les Néandertaliens. L’équipe a analysé les génomes de 334 individus, dont certains vivaient il y a entre 2 200 et 45 000 ans. Les résultats ont confirmé que la période de croisement génétique se situait entre 50 500 et 43 500 ans.

Priya Moorjani, l’une des principales auteures de l’étude, a souligné l’importance de cette chronologie : « La chronologie est essentielle, car elle a des implications directes sur notre compréhension de la chronologie des migrations hors d’Afrique. » La recherche suggère que les humains modernes et les Néandertaliens ont partagé les mêmes terres pendant 6 000 à 7 000 ans, ce qui a permis aux gènes néandertaliens de se propager au sein des populations humaines.

Des résultats corroborés par une autre étude

Illustration d’une rencontre entre un groupe de Néandertaliens et un groupe d’humains modernes avec leur progéniture (en rouge, rangée du bas) montrant une ascendance néandertalienne récente, imaginée comme une peinture rupestre. Crédit : Leonardo Iasi, MPI-EVA.© 
ZME Science

Une autre étude publiée dans Nature vient soutenir ces conclusions. Cette étude a analysé sept génomes de Néandertaliens datant d’environ 45 000 ans, et les résultats ont montré que le croisement génétique entre les deux espèces s’est produit autour de 47 000 ans. Manjusha Chintalapati, chercheuse à l’Université de Californie à Berkeley, a déclaré : « Nous avons créé un catalogue de segments généalogiques néandertaliens chez les humains modernes. En analysant conjointement tous ces échantillons, nous avons déduit que la période de flux génétique s’étendait sur environ 7 000 ans. »

L’héritage génétique de Néandertal

L’histoire du métissage entre Homo sapiens et Néandertal ne se limite pas seulement à un simple croisement génétique. Ce qui importe réellement, c’est l’impact de ces gènes néandertaliens sur l’évolution des humains modernes. À mesure que Homo sapiens se propageait à travers le monde, certains des gènes hérités des Néandertaliens ont offert des avantages évolutifs significatifs.

Les avantages évolutifs des gènes néandertaliens

Certains gènes néandertaliens ont joué un rôle crucial dans l’adaptation des humains modernes à de nouveaux environnements. Les gènes liés à la fonction immunitaire, à la pigmentation de la peau et au métabolisme ont particulièrement été bénéfiques pour les premiers humains qui s’aventuraient en territoire inconnu.

Leonardo Iasi, chercheur au MPI-EVA, explique : « Les Néandertaliens vivaient dans des climats rigoureux de l’ère glaciaire, adaptés aux conditions climatiques et aux agents pathogènes de ces environnements. Lorsque les humains modernes ont quitté l’Afrique et se sont croisés avec les Néandertaliens, certains individus ont hérité de gènes qui leur ont permis de mieux s’adapter et prospérer dans ces conditions. »

Une des plus récentes découvertes montre qu’une variante génétique héritée des Néandertaliens améliore la résistance au coronavirus responsable de la COVID-19, démontrant que cet héritage est toujours bénéfique aujourd’hui.

Les « déserts néandertaliens » : quand les gènes sont devenus nuisibles

Cependant, tous les gènes néandertaliens ne se sont pas révélés bénéfiques. Des chercheurs ont découvert des régions entières de notre génome dépourvues d’ADN néandertalien, surnommées les « déserts néandertaliens ». Ces régions génétiques, vides de tout gène néandertalien, se sont probablement formées rapidement après le croisement des deux espèces, suggérant que certaines variantes génétiques des Néandertaliens étaient effectivement nuisibles pour Homo sapiens.

Iasi ajoute : « Nous constatons que les premiers humains modernes, il y a 40 000 ans, n’ont pas d’ascendance dans ces déserts. Cela signifie que ces déserts ont probablement émergé très rapidement après le flux génétique, éliminant les variantes néandertaliennes nuisibles. »

La migration humaine et les croisements avec les Néandertaliens

Les découvertes génétiques apportent également de nouvelles perspectives sur l’histoire de la migration humaine hors d’Afrique. La chronologie des croisements génétiques suggère que les humains modernes se sont largement répandus en Eurasie il y a environ 43 500 ans. Toutefois, il est possible que tous les chemins menant à cette migration n’aient pas conduit directement à des rencontres avec les Néandertaliens.

Certaines populations de Homo sapiens, quittant l’Afrique par le Sinaï, auraient croisé les Néandertaliens, qui occupaient alors les zones méridionales de leur territoire. En revanche, ceux qui ont migré par le détroit entre la mer Rouge et le golfe d’Aden, une autre voie de migration importante, n’auraient pas rencontré de Néandertaliens sur leur chemin.

Cela soulève une question intrigante : comment l’ADN néandertalien est-il devenu omniprésent chez les non-Africains, malgré ces trajectoires divergentes ? C’est une énigme que les chercheurs continuent d’explorer.

La région des monts Zagros : un point de croisement clé

Des recherches antérieures ont indiqué que les monts Zagros, une chaîne montagneuse s’étendant à travers l’Iran, l’Irak et la Turquie, étaient probablement la région la plus probable où Homo sapiens et Néandertal se sont croisés. Cette zone aurait servi de carrefour pour ces deux espèces humaines, facilitant les échanges génétiques.

L’héritage néandertalien aujourd’hui

Notre héritage néandertalien continue d’influencer notre biologie moderne. Par exemple, certaines populations d’Asie de l’Est possèdent environ 20 % d’ADN néandertalien en plus que les Européens ou les Asiatiques de l’Ouest. Cette différence pourrait être le reflet des divers chemins empruntés par les premiers humains lors de leurs rencontres avec les Néandertaliens.

Des chercheurs comme Priya Moorjani étudient également un autre groupe mystérieux de nos ancêtres : les Dénisoviens. « C’est fascinant de pouvoir scruter le passé et d’observer comment les variants hérités de nos cousins, les Néandertaliens et les Dénisoviens, ont évolué au fil du temps », explique-t-elle.

Conclusion : un héritage complexe et omniprésent

L’héritage génétique néandertalien que nous portons en nous aujourd’hui révèle non seulement des histoires de survie et d’adaptation, mais aussi des histoires de migration et de rencontres. Tandis que certains gènes ont aidé Homo sapiens à prospérer dans de nouveaux environnements, d’autres ont disparu, laissant place à des « déserts » génétiques. L’étude de cet héritage continue d’éclairer notre compréhension des rencontres entre les premières populations humaines et leurs cousins néandertaliens, tout en nous offrant des indices pour mieux comprendre notre propre évolution.

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Publié par Laurent tourelle

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